Le média du mois : It's Freezing in LA!
On inaugure un nouveau format : le média du mois. Chaque mois, un·e membre de l'équipe vous dresse son analyse d'un média qu'il ou elle apprécie particulièrement. À la loupe pour cette première édition, la revue britannique It's Freezing in LA!
En 2018, Martha Dillon, Jackson Howarth, Matthew Lewis et Nina Carter se rassemblent autour d'un constat : peu d'ouvrages proposent des contenus tissant des liens entre l’urgence climatique, la justice sociale et le capitalisme. Cette équipe, c'est celle qui sera à l'initiative de It's Freezing in LA!, un magazine indépendant bi-annuel basé à Londres. Dès son lancement, la revue rencontre un certain succès.
Chaque numéro est pensé autour d’un thème précis (la santé, le greenwashing ou le lien entre êtres humains et l’écologie) et invite moult illustrateur·rices et écrivain·es à collaborer. Cette pluralité de voix permet d’aborder un même sujet avec une grande diversité de points de vue (art, opinion). Depuis 2021, des livres audio viennent compléter et revisiter des articles déjà publiés.
Un coup de cœur graphique
J’ai découvert ce magazine un peu par hasard, je suis tombée sur leurs couvertures en ligne, et je les ai instantanément aimées. J’apprécie particulièrement le fait que les choix graphiques de la couverture s'harmonisent avec le contenu. Les motifs utilisés en couverture sont inspirés de la thématique du numéro et se déclinent au fil des pages.
La mise en page du magazine intègre une imagerie scientifique à des codes graphiques issus du fanzine, lesquels font référence à une histoire militante. Une association fidèle à la ligne éditoriale du média, entre journalisme scientifique et activisme. Face à un public qui évite le sujet de l’écologie, il semble nécessaire de développer et d’explorer de nouvelles formes narratives et graphiques pour rendre le sujet agréable à lire. C’est d’ailleurs ce que constate Millie Servant, rédactrice en chef de la revue Climax qui s’est exprimée récemment sur les moyens de faire de l’écologie un sujet stimulant, drôle et sensible face à un public submergé d’informations anxiogènes.
De leur côté, les graphistes de It’s Freezing in LA! se sont orientés vers les couleurs vives et une économie de moyens, avec un seul livret agrafé. Ces choix permettent de construire une identité visuelle forte, en perpétuel renouvellement. Ils évitent ainsi de tomber dans le cliché de la revue écologique tout en dégradés de vert, et participent à l'accessibilité en maintenant un prix bas.
À la découverte du numéro 10
Au bureau de Médianes, j’ai découvert avec joie la présence du numéro 10 dans l’une des bibliothèques. Une fois l’objet tant attendu entre les mains, j’ai pu étudier un peu mieux la revue. La première de couverture, ornée d’un gigantesque It’s Freezing in LA!, est couverte de motifs végétaux, faisant directement référence à la thématique du numéro : les plantes. Les motifs se superposent volontairement sur le titre et jouent ainsi avec la lisibilité du texte. La quatrième de couverture, quant à elle, met en lumière l'origine du titre du magazine, un magnifique pied de nez à un tweet de Donald Trump de 2013 : « Une tempête givrante s'étend du Texas au Tennessee — Je suis à Los Angeles et on se gèle. Le réchauffement climatique est un canular absolu et très coûteux ! ». Ironique et piquant, ce détournement donne tout de suite envie de se plonger dans la lecture.
Une palette de couleurs dominante caractérise chaque numéro. Ici, l’orange, le rouge, le vert et le gris sont à l’honneur. Les motifs végétaux, inspirés des lichens, des organismes complexes, mi-champignons mi-algues, sont présents tout au long de la revue. Au cœur du cahier, une double page fournit des informations sur ces plantes et explique leur importance en matière d’écologie.
Les personnes invitées pour ce numéro sont nombreuses, on trouve des artistes, des designers, mais aussi des chercheur·euses , des écrivain·es… Il y a une grande diversité de sujets, on parle d’histoire, d’architecture, d'infrastructures, de géo-ingénierie… Toujours centrés sur la question des plantes.
Au fil de ma lecture, je découvre bon nombre d’essais, de poèmes et d’univers visuels différents. Les articles sont passionnants, même s’ils font souvent un constat désolant :« A very Victorian Water Crisis » enquête sur l’évolution de la gestion des eaux en Grande-Bretagne, menant à la pollution actuelle des rivières et des plages. D’autres papiers proposent des points de vue inattendus : « Gardens of desire » analyse les contradictions derrière les jardins botaniques en Inde, à la fois issus d’une histoire coloniale, révélateurs de traditions et de contrôle, mais aussi complices de rencontres amoureuses queers.
Écouter des articles sur fond musical
It's Freezing in LA! produit des livres audio que j'ai eu le plaisir d'écouter. Depuis 2021, l'équipe a sorti deux saisons, chacune proposant quatre épisodes d'une dizaine de minutes. Ces épisodes reprennent des articles déjà parus. L’épisode 2 de la saison 2 présente, par exemple, un article du numéro 9 consacré à la toxicité des gaz lacrymogènes aux États-Unis. Les sujets y sont très divers : on passe du travail de Derek Jarman, artiste devenu jardinier, à « la sombre réalité » de la série Selling Sunset de Netflix.
En plus d’une bande sonore originale qui accompagne parfaitement les textes lus, chaque épisode présente un visuel différent. Ici, c’est la photographie qui est mise en avant, tramée d’une couleur vive.
Je conseille vivement de faire un tour sur leur site, sur lequel de nombreux articles sont en accès libre. Vous pouvez également vous inscrire à leur newsletter pour des articles et des textes exclusifs.
De mon côté, j’ai hâte de lire le numéro spécial Visible Signs That Something Isn’t Right: Creative Responses to the Climate Crisis. J'espère pouvoir vous partager mon analyse prochainement.
Pour aller plus loin
- Nous sommes en 59 après Patrick Drahi. Toutes les micro-publications indépendantes se sont évanouies aux côtés des derniers punks. Toutes ? Non ! Le fanzine respire encore et forme une belle source d’inspiration pour les revues engagées. On vous dévoile la recette de leur potion pour vous différencier des publications classiques, sans gommer votre identité.
- Lauren Boudard est co-fondatrice de la newsletter TechTrash et de Climax, une newsletter d’actualités sur le changement climatique lancée en 2021, devenue fanzine l’année suivante. Elle est l’invitée du cinquième épisode de la deuxième saison de Chemins, le podcast de Médianes.
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- Grammage, texture, encre, grain : une série de retours d'expérience pour vous aider à choisir votre papier.
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