Médias en Seine 2022, ce qu’il ne fallait pas manquer

Marine Slavitch
Marine Slavitch

Vous n’avez pas pu vous rendre à la cinquième édition de Médias en Seine mardi 22 novembre ? Traitement de la crise climatique, habitudes de consommation de l’information des Gen Z, modèles de financement des newsletters… Voici quelques idées à retenir de cette journée.

Faire comprendre la crise climatique sans terrifier

Comment couvrir une actualité anxiogène à l’heure de l’évitement délibéré des informations ? Lors d’une table ronde consacrée à la couverture de l’urgence climatique, Loup Espargilière, cofondateur de la newsletter indépendante Vert (accompagnée par Médianes, le studio, NDLR), a abordé quelques points clés de sa stratégie éditoriale. Parmi ceux-ci, on retient l’utilisation de jeux de mots, d’un ton parfois léger et de clins d’œil permettant à la fois de nouer une proximité avec ses lecteur·ices et de leur permettre de s’informer avec lucidité sur la crise climatique, sans pour autant tomber dans la sinistrose. Pour aller plus loin, le média propose à présent une gamme de dix posters d’ordres de grandeur à afficher dans ses toilettes, dans son bureau ou au lycée pour faire la différence entre un kilowatt et un kilowattheure ou comprendre ce que représentent un kg ou une tonne de CO2. Malin pour toucher de nouveaux publics et sensibiliser plus largement aux enjeux de la crise climatique.

Vert

De son côté, Natalie Hanman, cheffe du service environnement du quotidien britannique The Guardian met en avant l’importance de la formation des journalistes pour couvrir le climat afin que la crise en cours trouve sa place dans toutes les rubriques des journaux, au-delà du pôle Environnement. Au Guardian, les journalistes sont tous·tes des journalistes Climat. La rubrique Mode met ainsi en avant la seconde main, quand les journalistes qui couvrent les thèmes liés aux transports privilégient des sujets sur la mobilité décarbonée. Les étudiant·es en journalisme présent·es ont profité de son intervention pour interpeller les rédactions quant à la nécessité de créer des postes afin de favoriser le traitement de ces enjeux de façon transversale. Un peu à la manière des « gender editor » chargé·es de veiller à la bonne représentation des femmes dans les médias.

Se défaire de nos clichés sur la Gen Z

L’agence de communication Edelman a livré les conclusions de son étude sur les habitudes des jeunes âgés de 14 à 24 ans sur les réseaux sociaux. Son rapport porte sur six marchés : la Chine, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Mexique et les États-Unis. Principal constat ? Les idées que nous nous faisons de la Gen Z sont pour la plupart erronées. On s’imagine que les jeunes prennent pour argent comptant les informations qu’ils reçoivent sur TikTok : c’est faux. TikTok est certes l’application sur laquelle la Gen Z passe le plus de temps (10,5 h par semaine) mais elle se classe bonne dernière parmi les plateformes à qui les jeunes font confiance. La Gen Z ne prend pas le temps de vérifier les informations ? Faux également : 70 % des jeunes fact checkent ce qu’ils entendent sur les réseaux sociaux et se désabonnent s’ils estiment qu’un compte n’est pas digne de confiance.

L'étude Edelman sur la Génération Z

Le sondage Ipsos réalisé pour Médias en Seine sur le rapport des jeunes de 16 à 30 ans à l’information met quant à lui en avant le fait que ceux-ci privilégient les médias généralistes pour s’informer, aussi bien sur leurs supports traditionnels (télévision, radio, journaux) que via leurs réseaux sociaux et applications mobiles. 50 % des jeunes consomment ainsi des contenus produits par la télévision, 22 % des contenus issus de la radio et 18 % des contenus provenant de la presse quotidienne et régionale. Les trois quarts des sondé·es affirment avoir confiance en plusieurs médias et journalistes. Et pour 60 % des jeunes interrogé·es, les fausses informations sont relativement rares dans les médias généralistes comparé aux comptes des influenceur·ses sur les réseaux sociaux.

Pour mieux toucher les jeunes, le pure player Konbini n’hésite pas à mettre en avant des formats sur les mangas, une galaxie souvent abordée « avec condescendance et mépris » dans les rédactions traditionnelles, estime Marie Misset, directrice de la rédaction. Pour un média de pop culture, cette proximité culturelle est essentielle mais risquée. Un retard de quelques jours sur la dernière tendance, et c’est la sanction. Un challenge quotidien qui implique de faire confiance aux jeunes journalistes du média. De son côté, Mathieu Marmouget, directeur de Mouv’ chez Radio France, explique vouloir s’inspirer des codes de la plateforme Twitch, en invitant des personnalités jeunes et issues de la sphère d’Internet et en adoptant une forme d’écriture moins standardisée, qui provoque de l’enthousiasme et qui surprend.

La publicité, c’est pas automatique

Peut-on financer sa newsletter en se passant de publicité ? Pour Climax, Vert et 2 Jours Pour Vivre, la réponse est oui. Chez Climax, newsletter écolo des fondateur·ices de Tech Trash (accompagnée par Médianes, le studio, NDLR), on pense d’abord diversification. D’où le lancement d’un fanzine trimestriel du même nom afin de financer la newsletter envoyée chaque semaine. Les personnes qui s’abonnent à ce fanzine le font d’abord en suivant une logique de soutien, un peu comme pour le don. Certaines le commandent dans le simple but de l’exposer dans leur bibliothèque, sans le lire mais pour marquer leur adhésion au projet du média.

L’autre solution consiste à dispenser des formations auprès d’entreprises. C’est ce que faisait Vert, avant de faire machine arrière pour des raisons éthiques. Aujourd’hui, les fondateur·ices de cette newsletter n’acceptent plus que les formations auprès des médias et se financent en majeure partie grâce aux dons. L’équipe de Climax n’est pas du même avis : « Les enjeux ne sont pas les mêmes que pour la publicité. Les formations en entreprise permettent avant tout de sensibiliser. C’est surtout pour le brand content que la question se pose. » De son côté, Amélie Deloffre, fondatrice de la newsletter d’écotourisme 2 Jours Pour Vivre se finance uniquement grâce aux formations qu’elle donne auprès de collectivités locales, dans le but de contribuer à changer son secteur en mettant en avant la mobilité décarboné et le tourisme raisonné.

Stratégie

Marine Slavitch Twitter

Marine Slavitch est journaliste chez Médianes. Elle est cheffe de rubrique, en charge de la newsletter de veille.